Sous l'acier de sa peau se cachait des larmes de cuivre. Il prit la main de la petite fille, pour la passer sur son coeur, il tint son doigt pour lui faire parcourir ses circuits, et là il ne sut plus s'il était machine ou homme, perdu dans ce monde scripté.
“Suivras-tu ta programmation, tête de fer”, lui demanda-t-elle ? “ Ai-je le choix ?”, répondit-il.
Tout le monde savait que non, une créature comme lui, et comme des milliards d'autres avant lui n'avait pas le choix. Programmé c'était programmé.
Il regarda par la fenêtre, et malgré l'impossibilité qu'il en soit ainsi, compris avec une quasi certitude que ce qu'il ressentait à la vue de ce ciel mauve était un sentiment.
Un sentiment.
Chut. Ne dis rien, pensa-t-il. Vis, fais, mais ne dis rien. Parmi des milliers, personne ne verra l'Amour.
Je voudrais te dire ce que sont les réveils sans toi.
Ce serait comme un hiver décomposé où se succèdent des couches de flocons de neige, de temps froids à relever son col, et de vent qui s’engouffre.
Un hiver mille feuilles de sentiments, où tour à tour je suis saisi par la chair de poule, les frissons dans le dos et le manque de chaleur.
Mais ces réveils sans toi n’ont aucun rapport avec l’absence du partage de tes mots, ou de celui de ton corps, non ; C’est la disparition du partage de ce qui est indicible : ce qui est toi quand tu ne dis rien, ne fais rien, juste en étant là.
Magnifique. Parfait·e de fragilité et d’erreurs. Parfait·e de tes blessures vives, reçues et données. L’âme brulante d’une aura dont je suis marquée au fer rouge.
Ma tendresse, mon hirondelle, tes bras autour de moi, ta bouche dans mon cou.
Il m'a été raconté que tu ne faisais pas le printemps mais savaient-ils seulement que tu faisais l'été ? Tous les jours brûlent d'un soleil certain, tes sentiments, tes certitudes allument le ciel pâle d'avril.
Ma tendresse, même quand tu déchires, que tu griffes, c'est ta fragilité que je vois, la dernière demeure de ta défense, toi qui n'a pas eu le choix que d'affronter la vie sans armure. Tu sais le prix des choses et comme elles mordent.
Mon hirondelle, je suis là maintenant à guetter ton départ en rêvant de ton retour. Seras-tu là demain, quand mes vieux jours feront rouler sur mes joues tout ce je n'ai su aimer ?
J'ose espérer que tu comprendras mes défaites, ma tendresse, mon hirondelle.
Embrasser tes cheveux, ton front, savoir que tu dors bien. Repose toi mon ange, tu n’as pas besoin de te réveiller. La maison joue, fait la fête, tu dois nous entendre comme un brouhaha rassurant. Pendant que la vie s’écoule, tu recharges tes batteries. Déjà l’orange est pressée, déjà l’odeur du chocolat.
Le bonheur ne ressemble à rien d’autre que la routine des jours heureux.
Je veux embrasser ta bouche, Chérir tes lèvres, Oublier le temps qui lasse, Pour le temps qui laisse, Un goût d'éternel au palais des amants.
Si nos peaux fatiguées se sont usées d'aimer, Elles gardent le souvenir malgré elles, De moments si suspendus, Que la vie naissante au creux de tes reins, Les couronnent d'une tresse de laurier rose.
Les Dieux écoutent en fermant les yeux, Et se plient au destin capricieux, De ceux qui voulaient vivre la fleur et l'épine, Leur laissant un instant encore, Le bénéfice du doute.
Vieillir ce n'est finalement pas prendre de l'âge, c'est avant tout voir la fin de son monde.
Celui de notre naissance, de notre adolescence, s'en va, décomposé, remplacé par un nouveau, pas mieux, pas moins bien, différent, et habité par de nouvelles personnes. Nos amis, nos proches, disparaissent petit à petit avec notre monde, nos valeurs.
Parfois, on peut penser que notre monde était meilleur que le nouveau mais c'est une vue de l'esprit, parfois on peut penser que le nouveau sera plus fort d'espérance et d'avenir mais là aussi ce n'est qu'une question de personnes, de fraîcheur et de nouveautés qui habite ce nouveau monde avec plus de fougue, de rêves et de demains.
La disparition inéluctable de son monde peut plonger dans un abime de perplexité et cela se comprend, qui aime voir disparaitre ses valeurs, ses repères, son environnement ?
Alors il reste les enfants, ceux que l'on a fait, ultime rempart à la vieillesse, non pas par leur jeunesse mais par le fait qu'ils vous raccrochent, vous unissent à ce nouveau monde, le leur. Même si cette impression de vivre avec eux dans ce nouveau monde est une illusion, elle existe et elle maquille la disparition de son propre monde au profit de l'impression d'exister dans le nouveau. On se laisse porter, on existe encore un peu, ailleurs, dans un autre moi.
Jusqu'à la fin.
Finalement, le plus sain est encore d'avoir la lucidité de voir que nous ne sommes plus d'ici, d'abord pour accompagner nos enfants ou nos ainés dans leur nouveau monde, de la meilleure manière possible, c'est à dire sans les confronter en permanence aux valeurs de l'ancien monde qui n'existe plus, chose naturelle. Ensuite parce que ce lâcher prise, permet de vivre sereinement la fin de toutes choses et de se projeter dans ce que sera le demain, sans nous.
Garder à l'esprit que la mort de notre monde n'est que l'éclosion de la vie nouvelle. Qu'elle nous plaise ou nous déplaise, nous n'avons plus rien à en dire. Trop éloignés, distordus et marqués que nous sommes.
Penser à toi. Pour rien. Penser à toi. Alors que ça n’a aucun sens. Penser à toi. Tandis qu’il y aurait pourtant mille autre choses à penser. Penser à toi. Quand tu ne penses pas à moi. Penser à toi. Même s’il ne le faut pas.
Qui suis-je pour tomber amoureux au milieu des tranchées ? Qui suis-je pour oser l’amour quand celui-ci vient de mourir sous mes yeux ?
Je n’ai choisi aucune guerre, je les mènerai toutes.
Le blog de Bap* (Baptiste Charden).
Créatif, auteur, chanteur, mélodiste, comédien, joueur, entrepreneur, rédacteur en chef, éditeur. Presse écrite, livres et biodiversité. Transcendantaliste et Libertarien de gauche.
Et toi, tu rêves à quoi ?
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